L'humour des mots.
1 Décembre 2015
Un article sur la première guerre mondiale m'a remis en mémoire l'histoire de notre dernier poilu français. La biographie édifiante d'un petit immigré italien illettré arrivé clandestinement dans notre pays.
Lazare Ponticelli, dernier poilu* survivant de la grande boucherie de la première guerre mondiale, s’est éteint le mercredi 12 mars au kremlin-Bicêtre à l’âge de 110 ans.Il avait reçu peu de temps auparavant un hommage national, hommage englobant les 8.5 millions de soldats français engagés dans la première guerre.
Devenu héros national un peu malgré lui, il a toujours affirmé son hostilité, comme Louis de Cazenave, l’avant-dernier poilu décédé le 20 janvier 2008, au principe fixé par le Haut conseil de la mémoire combattante, présidé à l’époque par Jacques Chirac, d’organiser des obsèques de portée nationale pour le dernier combattant de 14-18.Tout comme il refusait d'être enterré au Panthéon.
Déclarant notamment:
« Je refuse ces obsèques nationales. Ce n'est pas juste d'attendre le dernier poilu. C'est un affront fait à tous les autres, morts sans avoir eu les honneurs qu'ils méritaient. On n'a rien fait pour eux. Ils se sont battus comme moi. Ils avaient droit à un geste de leur vivant... Même un petit geste aurait suffi». « On s'en est foutu un peu. Il a fallu que ce soit Chirac qui commence à bouger quand on n'était plus nombreux et qu'on était fatigués. ».
Cependant, après le décès de Louis de Casenave, Lazare Ponticelli avait fini par accepter le principe d’une cérémonie nationale simple et d’une messe aux invalides consacrée à tous ceux qui sont morts.
Lazare Ponticelli : Une histoire personnelle peu banale
Sa vie s'étale sur 3 siècles.
Lazare Ponticelli est né le 7 décembre 1897 dans le nord de l’Italie au sein d’une famille extrêmement pauvre. En 1903, après le décès de son père et de son frère aîné, le reste de la famille part pour la France rejoindre la mère partie tenter sa chance. Comme Il n'y a pas assez d'argent pour payer tous les billets, le jeune Lazare âgé de 6 est confié à des voisins. Le garçon va alors travailler comme berger et se débrouiller pour survivre. Il capture des grives qu’il vend sur les marchés.
Il a six ans et une seule idée : rejoindre sa famille installée à Nogent sur Marne dans la région parisienne. Trois ans plus tard il se lance à l'aventure, direction Paris. Il marche toute la partie du trajet qui le sépare de la frontière Française, n'étant pas certain d'avoir assez d'argent pour payer le voyage tout en prenant soin d'avancer pieds nus pour ne pas abîmer ses sabots.
Un matin de 1906, il arrive Gare de Lyon à Paris. Lazare Ponticelli, 9 ans, parle seulement Italien et ne sait ni lire, ni écrire. Après avoir erré plusieurs jours dans la gare, il est pris en charge par une famille italienne durant quelques mois. Puis il se retrouve à Nogent sur Marne où vit une importante communauté italienne (voir le livre les Ritals de Cavanna) et devient d’abord ramoneur puis vendeur de journaux
Au début de la guerre, à 17 ans à peine, il triche sur son âge et s’engage dans la légion étrangère où il retrouve l’un de ses frères.
Au combat sur le front près de Soissons, il est démobilisé de force en mai 1915, car l’Italie vient d’entrer en guerre et Lazare doit porter l’uniforme de son pays d’origine. Déçu, il dira dans ses mémoires : "Je pensais que m'être battu pour la France avait fait de moi un Français.". Malgré ses tentatives pour se réengager sous l’uniforme français Il se retrouve finalement à combattre au Tyrol avec l’armée italienne. Après des fraternisations avec les soldats autrichiens, sa compagnie est sanctionnée et envoyée dans une zone de combats terribles. Il sera gravement blessé au visage et opéré sur place sans anesthésie. Sa convalescence terminée, il repart au combat en 1918. Ses actes de bravoure durant le conflit lui vaudront la Médaille du Roi, la plus haute distinction de l'Armée italienne
Après la guerre, démobilisé, de retour en France, il redevient ouvrier puis fonde avec deux de ses frères une petite société de ramonage et de chaudronnerie qui va prospérer et devenir une multinationale (Ponticelli frères).
En 1939, à la veille de la seconde guerre mondiale, Il obtient enfin sa naturalisation. Durant le conflit, il souhaite encore se battre pour défendre « ce pays qui lui a donné à manger » .Jugé trop âgé, il s’engagera à partir de 1942 dans des actes de résistance. La guerre terminée , il continue à travailler dans sa société jusqu'à sa retraite en 1960.
Lazare Ponticelli ne manquait jamais une commémoration du 11 novembre pour respecter la parole donnée aux copains des tranchées " Avant de passer à l'attaque, les camarades et moi on se disait : si je meurs tu penseras à moi. C'est pour ça que, depuis que la guerre est terminée, je vais tous les 11 Novembre au monument aux morts.
Lazare Ponticelli avait aussi conscience de la mémoire des événements de cette guerre qui s’étiole petit à petit, c’est pourquoi, il a longtemps témoigné des horreurs de la guerre auprès des enfants des écoles en martelant entre autres « Nous avons fait une guerre sans savoir pourquoi nous la faisions. Pourquoi se tirer dessus alors qu'on ne se connaît pas ? Il y avait des gens qui avaient des familles à nourrir » et « ne faites pas la guerre ».
Lazare Ponticelli-italien de naissance, français de préférence- a écrit ses mémoires dans un livre édité par la ville d'adoption du Kremlin Bicêtre.
Mise à jour 02/12/2015