18 Mai 2020
Il est des dates et des combats qu’il est parfois bon de se remémorer. Le premier confinement à peine terminé, nous entendons voyons et lisons déjà les signes qui nous indiquent que le monde d’après sera différent. C’est vrai, Il sera certainement encore plus compliqué pour les travailleurs les moins qualifiés et pour les précaires, les plus fragiles, exploités d’hier, d’aujourd’hui et sûrement de demain. Les dignes descendants de la caste de ceux qui en 1936 critiquaient encore et toujours les ‘trop’ nombreux privilèges croissants des travailleurs font à nouveau entendre leurs voix. Bien au chaud dans leurs niches dorées et préservées, ils viennent livrer des leçons de morale et de civisme. Les mêmes qui veulent toujours nous donner mauvaise conscience pour nous serrer un peu plus la ceinture, nous vider les poches pendant que leurs besaces et celles de leurs proches s’arrondissent à nos dépens, cultivant l'entre soi, partageant les bénéfices de nos sacrifices grâce à un népotisme d'un autre âge. Eux, cumulards patentés qui tentent de profiter de cette crise pour déjà remettre en question certains acquis sociaux. Comme hier encore dans le monde d’avant, les Juppé, Fillon et leurs dignes héritiers Macron et Cie voulaient nous faire travailler plus et plus longtemps alors qu’ils s’empressaient de prendre leur retraite de la fonction publique dès que possible sans jamais réellement y avoir travaillé (Juppé retraité de l’inspection des finances à 57.5 ans) puis continuaient la vie politique, car ils en ont fait un métier à temps plein qui rapporte gros. Avec ce type de comportement, ils ont trop souvent préparé le lit des extrêmes et, en bons pompiers pyromanes s'empressent de le reborder à la va-vite pour ne pas être trop débordés sur la droite. Dans ce monde d’après, l'avenir appartiendra toujours à ceux dont les ouvriers se lèvent tôt.
Les temps sont durs pour beaucoup et de nombreuses petites entreprises sortent exsangues de ce coup d’arrêt brutal, mais il faut aussi regarder vers l'avenir en ne négligeant pas le passé. La participation à l’effort collectif de relance ne doit pas se faire au détriment du droit du travail ou être basée sur un chantage à l’emploi.
Revenons à ce propos sur certaines luttes d’hier, celles qui nous permettent par exemple aujourd'hui encore de profiter de quelques semaines de congés payés. Vous trouverez en bas de page un lien vers le documentaire de Sam Neumann diffusé depuis avril par Arte sur le monde ouvrier. Un film qui vient nous rappeler ce que nos quotidiens d'aujourd'hui doivent aux luttes des travailleurs d'hier.
En mai 1936, le pays est touché par des grèves qui affectent la plupart des secteurs économiques. La victoire du front populaire aux élections législatives du 3 mai a soulevé d’immenses espoirs. Mais constitutionnellement, Léon Blum doit attendre un mois pour former son gouvernement, gouvernement qui sera d’ailleurs le premier de l’histoire française à intégrer des femmes. Dans la classe ouvrière, l’impatience grandit, les travailleurs réclament des congés et le passage de 48 heures à 40 heures hebdomadaires. Début juin, la situation s’aggrave et le pays est au bord de la paralysie complète. Les représentants du patronat prennent peur et acceptent l’ouverture de négociations.
Elles aboutiront le 7 juin 1936. Les accords de Matignon sont signés entre la CGT (Confédération Générale du Travail) et le Medef de l’époque : la Confédération Générale de la Production Française (CGPF) et l’état représenté par Léon Blum, alors président du conseil (le premier ministre sous la IIIéme république en gros).
Avec ces accords, les ouvriers obtiennent de nombreux « avantages » :
- Des contrats de travail.
- Les salaires sont augmentés de 7 à 15 % en moyenne.
- la liberté d'exercice du droit syndical. C’est (presque) la fin des syndicats ’’jaunes’’ crées par les patrons.
Enfin, ils obtiennent la création de conventions collectives, la semaine de 40 heures et 15 jours de congés payés (douze jours + le week-end).
La semaine de 40 heures et les congés payés ne font pas partie des accords de Matignon, mais en découlent. Ils étaient de toute façon prévus dans le programme du Front Populaire.
Le symbole des congés payés et des 40 heures hebdomadaires va marquer les esprits, des patrons vont même les appeler ’’ les congés payants’. La presse très puissante et déjà très à droite parlera de " la semaine des deux dimanches". Pétain, dans un discours qui ressemble un peu à ce que l’on a pu entendre récemment va fustiger «l’esprit de jouissance" qui, selon lui, l’avait emporté sur l’esprit de sacrifice. Vous pourrez noter que le vocabulaire dans certains de nos médias actuels n’a pas tant évolué.
Les premiers congés payés fixés à 2 semaines débuteront le 20 juin 1936.Ils sont portés à 3 semaines en 1956 puis 4 en 1969, et enfin la cinquième semaine de congés est attribuée en 1982.
C’est bien beau tout ça, mais fini de rêvasser au bon temps. En attendant d’hypothétiques vacances, il faut se remettre au boulot.
lien vers un documentaire soigné de Stan Neumann
https://www.arte.tv/fr/videos/RC-019317/le-temps-des-ouvriers/