L'humour des mots.
29 Avril 2020
Ce 1er mai 2020 ne ressemblera certainement à aucun autre. L’ensemble des syndicats arrivera peut-être pour une fois à se mettre d’accord sur une mobilisation unitaire. Les manifestations des mois passés nous ont permis de voir fleurir des revendications salariales et sociales dans tous les secteurs un peu partout en France, mais les effets du Covid sont venus donner un coup de frein brutal à ces légitimes demandes. Le président nous promet un jour d’après différent, une sorte de grand soir dans une France plus équitable et moins dépendante d'un système économique mondialisé, l’avenir nous éclairera rapidement sans doute sur notre future réalité.
Dans cette actualité sociale pour le moment ralentie par obligation et nécessité, revenons sur l’histoire de la fête du travail du 1er mai et sur la tradition d’offrir du muguet.
Tout commence réellement aux États-Unis en 1884. Cette année-là, lors du congrès des principaux syndicats ouvriers américains, il est décidé de se donner deux ans maximum pour parvenir à imposer à l’ensemble du patronat la limitation de la journée de travail à 8 heures. La date du 1er mai est alors choisie parce qu’elle correspond au début de l’année comptable outre-Atlantique et à la date du renouvellement des contrats de travail.
Le 1er mai 1886, plus de 200.000 ouvriers obtiennent immédiatement satisfaction, mais pour une large majorité, rien ne change et des grèves débutent dans le pays. A Chicago, le 3 mai, lors d’une manifestation, 3 grévistes trouvent la mort. Le lendemain, une marche est organisée en leur mémoire. Dans la soirée, à la fin du cortège une bombe explose faisant plusieurs morts parmi les forces de l’ordre. Des syndicalistes anarchistes sont arrêtés, quatre seront pendus, un se suicidera et trois condamnés à la prison à perpétuité après un procès bâclé seront finalement graciés et les morts réhabilités en 1893.
C’est dans le souvenir de ces événements que la seconde Internationale socialiste se réunit en 1889 pour son second congrès. Sur une proposition de Raymond Lavigne, il est décidé qu’il sera « organisé une grande manifestation à date fixe de manière que dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail et d’appliquer les autres résolutions du congrès. Attendu qu’une semblable manifestation a été déjà décidée pour le 1er mai 1890, cette date est adoptée pour la manifestation. »
Mais c’est avec le drame qui va se dérouler le premier mai 1891 à Fourmies, une petite ville du nord de la France que ce jour va réellement devenir l’emblème de la lutte ouvrière.
Durant la manifestation, l’armée tire à bout portant sur la foule pacifique des ouvriers. Elle fait dix morts dont 8 de moins de 21 ans. L’une des victimes, Marie Blondeau, habillée de blanc et les bras couverts de fleurs, devient le symbole de cette journée.
Depuis 1890, les manifestants du 1er mai ont l’habitude de défiler en portant à la boutonnière un triangle rouge. Celui-ci symbolise la division de la journée en trois parties égales : travail, sommeil, loisirs. Ce triangle sera quelques années plus tard remplacé par la fleur d’églantine. En 1907, à Paris,
le muguet, symbole du printemps en Île-de-France détrône cette dernière. Le brin de muguet est alors porté à la boutonnière avec un ruban rouge en souvenir des victimes. La tradition est née.
La fin de la Première Guerre mondiale et le traité de paix de Versailles le 28 juin 1919 vont faire avancer la cause ouvrière : l’article 247 du traité donne « l’adoption de la journée de huit heures ou de la semaine de quarante-huit heures comme but à atteindre partout où elle n’a pas encore été obtenue».
Les manifestations du 1er mai deviennent alors l’occasion de revendications sociales plus diverses. En URSS, Lénine décide en 1920 de faire d’en faire une journée chômée.
En France, c’est le régime de Vichy qui tente en 1941 de séduire les ouvriers en validant également cette date. Le nouveau gouvernement d’après-guerre avalisera le1er mai férié chômé et payé en 1947.
Le 1er mai pour la plupart des pays est un jour férié. L’Angleterre, toujours originale le fête le 1er lundi de mai, les suisses n’y ont pas droit et les États-Unis à l’origine du mouvement commémore
le labour Day… en septembre. En effet la guerre froide est passée par là et la fête du Travail avait trop de relents marxistes pour eux. Ils ont donc pris comme fête du travail un autre événement sanglant, une grève des cheminots en 1894 qui a fait 2 morts parmi les manifestants.
La tradition du muguet
Le mois de mai est honoré comme le mois de l’amour. Le muguet, l’une des premières fleurs du printemps en est le symbole depuis toujours. On le célèbre de différentes manières des temps immémoriaux. Dans certaines régions du monde, la coutume séculaire consistait à se coiffer d’une couronne de feuillage et de fleurs puis d’en offrir à la personne aimée ou à déposer la nuit des bouquets de branches devant les maisons des jeunes filles désirées. On retrouve aussi le muguet sur la boutonnière de jeunes gens venus au "bal du muguet" organisé le 1er mai, auquel se rendent des jeunes filles toutes vêtues de blanc. C’était, dit-on, le seul bal interdit aux parents.
Dans notre pays depuis les années 30, toute personne qui le souhaite peut vendre librement du muguet le 1er mai. Cette année verra notre tradition bousculée puisque la vente sur la voie publique sera interdite.
.