L'humour des mots.
26 Février 2018
Un sentiment d'amertume, c'est ce qui résume l'état d'esprit des défenseurs du goût après l'accord de principe sur les nouvelles normes de l'appellation AOP du Camembert de Normandie.
Pour mieux exporter ses fromages insipides aux États-Unis notamment, le groupe Lactalis (95% de la production) a usé de tout son poids dans la bataille sans fin de la filière de production du camembert de Normandie pour qu’il n’y ait plus qu’une seule dénomination de Camembert avec une AOP à deux niveaux. En l'état, à partir de 2021 il existera une AOP de base avec des produits industriels pasteurisés et une AOP haut de gamme pour les produits au lait cru. La seule différence visible sera le terme «véritable camembert de Normandie» sur l’étiquette. Pour ajouter à la confusion actuelle dans l’esprit des consommateurs, il n’y avait pas mieux.
Le renard était déjà bien implanté dans l’étable, on vient de lui offrir la possibilité d’avoir seul le monopole et le contrôle du code d’accès. Cet accord indigeste représente à terme un danger mortel pour l’emblème national qu’est le camembert, car hors les éléments de langage des communicants payés par les groupes industriels, le cahier des charges de la nouvelle AOP ainsi crée sera bien «light» par rapport à l’existant et permettra d'avoir un camembert pasteurisé industriel qui sera labellisé Appellation d’Origine Protégée.
Même si une version de «véritable camembert de Normandie» sera utilisée pour les vrais fromages au lait cru, difficile pour le consommateur de base d’y retrouver ses petits dans ce peu ragoûtant menu, mais venant de Lactalis et ses dirigeants, plus rien ne nous étonne vraiment après le scandale du lait infantile. Leur seule et unique ligne d’horizon se nomme profit.
Ces nouveaux critères d’appellation sont un pas de plus vers la standardisation de notre alimentation et le mauvais goût ou plutôt l’absence de goût et de typicité de nos produits. Une victoire pour les lobbys et un sale coup dur pour le savoir-faire traditionnel ancestral, les producteurs indépendants et le symbole de la France.
Un sacrifice de plus sur l’autel de la rentabilité forcenée. De renoncement en renoncement, le pouvoir tentaculaire et les ramifications des pieuvres multinationales hégémoniques s’étendent un peu plus jour après jour.